La charpente bois du XVe siècle du chai existant possède un caractère exceptionnel par son âge, ses bois courbes, ses irrégularités et vit avec le château depuis ses origines.

 Réaliser une isolation thermique par l’intérieur en cachant cette charpente et le voligeage aurait été, pour M .Canonne et moi-même, la solution de facilité mais aussi et surtout une atteinte à l’architecture des lieux. Il nous semble être inexcusable pour un architecte de recourir à la simplicité en faisant disparaître 7 siècles derrière de l’isolant et des plaques de finitions.

 La rénovation « minime » intérieure de la charpente effectuée en 2015, avec ses touches de couleur « lie de vin », avait déjà œuvré en ce sens pour la mettre en valeur sans la dénaturer.

 Dès lors, une seule solution restait envisageable : isoler par l’extérieur.

 

 

 Première approche :

 Réaliser une isolation directement en toiture, avec dépose des tuiles, installation d’un complexe isolant et repose des tuiles. Cette solution générait un problème d’ordre esthétique avec un décalage d’une trentaine de centimètres au niveau des toitures tuiles. L’ensemble du château Prieuré Marquet propose à ce jour une homogénéité des toitures avec une continuité des lignes de toiture et des faitages (lignes hautes des toits). La réhausse ponctuelle par l’isolant, tout en restant dans le même type d’aspect de toiture tuiles, avait pour conséquence de briser la lecture de l’ensemble. Cette solution n’était pas assez franche pour marquer sa différence et aurait créé des impressions d’erreurs dans les lignes de toitures.

    

Seconde approche :

 Il nous est alors apparut comme « naturel et évident » à M.Canonne et moi-même de mettre en exergue cette « cassure » générée par l’isolant et la reprise de la toiture. A l’image de la rénovation intérieure du Prieuré, à chaque fois qu’un élément devait ajouter aux lignes anciennes du bâtiment, plutôt que de minimiser son impact, nous avons fait le choix de valoriser notre action par une touche de modernité tranchant définitivement avec l’ancien.

 J’ai ainsi eu l’idée d’une coque, d’un élément rajouté, qui vienne se poser par-dessus le chai. Le terme « carapace » s’est alors imposé de lui-même dans une idée de protection robuste et de recouvrement de l’ensemble du chai.

 Compte-tenu de la fonction de stockage d’un prestigieux vin de Bordeaux, d’autres termes, tel que « écrin » ont émergés, mais le mot « carapace » est resté pour son côté plus vif, animal, organique et puissant. Ce mot évoque par sa sémantique les qualités du vin et reste en adéquation avec la production du Château Prieuré Marquet.

 

Approche finale :

 J’ai ainsi dessiné pour Monsieur Canonne une première esquisse constituée de formes triangulaires, agressives. Cette esquisse a tout de suite séduit. La forme originale n’a été que très peu modifiée dans la suite des études (plus d’une année).

 La solution volumétrique retenue fût dès lors de faire de cette « carapace » un élément fort et emblématique, en corrélation avec le site et le vin.

 Il est également important pour moi de souligner la relation privilégiée que j’ai avec M.Canonne. Ce projet audacieux n’aurait pu voir le jour sans la confiance envers moi de M.Canonne, son ouverture d’esprit et sa généreuse ambition.

 

Conception du volume « carapace » :

 Comme évoqué précédemment, la Château Prieuré Marquet est un ensemble autonome et homogène dans son ensemble. L’isolation du chai implique, pour des raisons techniques et de contraintes liées à la conservation du vin, de ramener une forme étrangère et contemporaine sur le site.

 L’idée a ainsi été de réaliser la « carapace » avec une structure « démontable », notamment métallique afin de permettre un démontage futur si besoin. Le bâtiment existant ne sera par conséquent ni détruit, ni meurtri de quelconque manière, par souci de respect du bâti existant.

 Le volume de la « carapace » vient ainsi coiffer le chai existant, sans le détruire. Le chai est « mis sous cloche », sous sa « carapace » protectrice.

 Le volume extérieur est composé d’un assemblage de facettes triangulaires planes, conçu à la manière d’un diamant déstructuré, déployé.

 Le site existant propose de nombreuses surfaces de toitures tuiles (tuiles plates, tuiles canal, …) et sur de nombreux axes. Les masses planes de la « carapace » rentreront ainsi en dialogue avec l’ensemble des toitures existantes. Elles sont conçues comme des pans de toitures dans la continuité des existants et débordant jusqu’au sol.

 Le dessin de la « carapace » et accidents de formes s’adaptent et répondent à leur environnement. Par exemple, la pointe en extrémité de la « carapace » répond à la tour d’entrée, alors qu’aujourd’hui la toiture plonge. Cette réhausse permets également de stabiliser l’ensemble en contrebalançant la façade d’entrée.

  

Technique simplifiée / enjeu structurel :

 Isoler le chai existant sans le « toucher » ou l’impacter a impliqué l’utilisation de portique en structure métallique. Cette solution nous a permis de franchir le chai tout en restant dans des proportions et des épaisseurs de poutres correctes, tel un exosquelette.

 La « carapace » est ainsi composée de la manière suivante : 

• Un premier bâtiment « simple » positionné au-dessus du chai existant. Il a pour fonction d’isoler et d’être étanche
• Une seconde structure a pour rôle de générer la forme, les contours de la « carapace » et constituera le support de la vêture finale
• Mise en place d’une vêture : l’aspect final et seul élément visible de l’extérieur de la « carapace »

 

Aspect final extérieur :

 Plusieurs finitions, aspects ont été envisagés pour la « carapace », allant du « corten » en passant par de la toile tendue. Seule la teinte générale et l’ambiance étaient évidentes pour M.Canonne et moi-même, à savoir rester dans une teinte chaude (orangée, cuivrée) afin de rester en dialogue avec le site et les toitures existantes.

 J’ai alors proposé une peinture irisée, une couleur variant en fonction de la lumière et de l’angle de vue (Irysa® Octopus d’Arcelor Mittal). La « carapace » se parera ainsi de teintes brunes, rouges, cuivre, violines mais également dorées selon les différents moments de la journée et selon l’endroit où l’on se trouve sur le site pour la regarder.

 La vêture, réalisée en panneaux isolants rigides pour éviter le maximum de flash (défauts de planéité, effet de creux) lors du montage, se dotera ainsi de cette peinture.

 

Les enjeux finaux sont par conséquent d’isoler le chai existant, respecter le bâti existant sans le meurtrir et amener un élément fort, contemporain dans l’écrin qu’est le Prieuré Marquet.

 

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Nous avons souhaité par ce projet faire interagir un langage contemporain et original avec un intérieur ancien d’aspect rustique. Nous voulions surprendre une première fois par l’aspect extérieur de la « carapace ». Puis en la pénétrant, se laisser surprendre à nouveau par la découverte rassurante d’un chai centenaire et sauvegardé à l’intérieur.